mardi 8 décembre 2015

Terrorisme en Tunisie, où allons-nous ?




 La dernière attaque terroriste sur un bus de la sécurité présidentielle dans le centre de la capitale Tunis, et dont le bilan a atteint 13 morts (12 gardes présidentiels et le Kamikaze) et 20 blessés, a eu l’effet d’un choc sur la population tunisienne qui, pourtant, n’en est pas à son premier deuil. Le fait que cette attaque ait eu lieu à quelques centaines de mètres du ministère de l’intérieur, la nature même de cet attentat et de son commanditaire, ont alimenté les craintes des Tunisiens. Ces craintes sont pour la plupart, motivées par un sentiment d’incertitude, de peur pour l’avenir, et surtout, de manque de confiance en la capacité du gouvernement de maitriser la situation sécuritaire.


Etat des lieux

Les attaques terroristes en Tunisie ne sont cependant pas un fait nouveau, et elles n’ont certainement pas commencé après la révolution non plus. Les attaques de la Ghriba à Djerba qui ont ciblé les touristes venus effectuer le pèlerinage, et, celles de Soliman qui ont fait des victimes parmi les agents de sécurité, et ceux de la garde nationale, ont eu lieu respectivement en 2002 et en 2007. Cependant, et au vu de la situation dans laquelle sévissaient les Medias, les Tunisiens ne pouvaient accéder qu’aux miettes d’informations que le régime daignait distiller au compte-gouttes. Ces informations glorifiaient le rôle du régime dans la maitrise de la situation, et dissimulaient l’étendue des pertes dans les rangs de la sécurité et garde nationale. Les efforts de propagande s’étaient heurtés au scepticisme du gouvernement Allemand (la Majorité de victimes tuées à la Ghriba étant de nationalité allemande), qui a longtemps reproché au régime tunisien de lui avoir menti sur les détails de l’attaque, et d’avoir même effacé des preuves en procédant à la peinture de l’enceinte du lieu de pèlerinage, juste après l’attentat.
Après la révolution, et sous les cinq gouvernements consécutifs, avec l’instabilité politique qui a caractérisé cette période de transition démocratique, la Tunisie a été le théâtre de plusieurs drames : assassinats politiques que l’on n’a pas encore élucidés, attaques périodiques de soldats de la sécurité et de la garde nationale, ou encore les meurtres hideux des jeunes bergers. Avec l’avènement du gouvernement de ‘technocrates’ de Mehdi Jomâa, les Tunisiens pensaient être venus à bout de leurs malheurs, avant de désenchanter rapidement. Ce gouvernement qui s’est avéré jouir de la bénédiction de Rached Ghannouchi, était caractérisé par un amateurisme profond. La Tunisie a été livrée à elle-même, et les attentats terroristes ont continué de faucher les vies innocentes, pendant que ses ministres étaient trop occupés à prendre des selfies ou encore à jouer aux apprentis ‘technocrates’.


Un danger palpable
Si les actes de terrorisme barbare à l’encontre des soldats au Mont Chaambi, ou encore des touristes au Musée du Bardo et dans la plage d’un hôtel de Sousse ont endeuillé la Tunisie, l’attaque du bus de la sécurité présidentielle est cependant, celle qui a ébranlé le plus la population tunisienne. En effet, cet attentat a démontré la fragilité du système sécuritaire ainsi que l’inquiétante, voire angoissante proximité de fléau du terrorisme. Celui qui a exécuté l’attentat vivait parmi nous, il ressemble à beaucoup de gens qu’on peut croiser quotidiennement sans qu’ils n’éveillent en nous une quelconque suspicion. Et s’il est vrai que les Tunisiens ont tenu à manifester leur détermination en arborant fièrement le drapeau national sur leurs profils Facebook, ou en brandissant des slogans défiant les ennemis de la nation, il n’en demeure pas moins que l’appréhension et la peur de l’avenir sont devenues leur pain quotidien.


Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un terroriste ?

La question la plus récurrente après l’attentat du 24 Novembre est : ‘comment peut-on convaincre un jeune homme ‘normal’ à devenir Kamikaze et à tuer les siens ?’. les autres questions qu’on se pose sont : Que peut-on faire reluire aux yeux de ces jeunes recrus et qui est plus précieux que leurs propres vies ?, comment des jeunes apparemment  ‘normaux’, deviennent-ils des monstres sanguinaires tranchant des têtes avec un sang-froid glaçant et en s’en réjouissant même ?
Depuis les attentats du 11 Septembre perpétrés par El Qu’aida à New York, les services sécuritaires ainsi que des chercheurs du monde entier, se sont penchés beaucoup plus sur ce phénomène. Des profils de terroristes islamistes ont étés dressés et leurs motivations disséquées. Face à la montée de l’EI, dont la radicalisation est beaucoup plus forte que celle d’ El Qu’aida, les chercheurs s’évertuent à mieux comprendre ce phénomène, afin de le cerner, et pour donner aux politiques du monde, les informations nécessaires à un combat plus ciblé. Il s’en sort que les recrus de l’EI, ne viennent pas nécessairement de milieux défavorisés, bien que ce soit un facteur important. Ce sont généralement des personnes insatisfaites qui cherchent un sens à leurs vies. Leur quête vers la valorisation de soi, les rend des proies faciles pour les recruteurs qui les embrigadent, soit via les réseaux sociaux, soit à travers un réseau international. Ces recruteurs font miroiter à ces jeunes un rôle important dans une organisation supranationale qui débarrassera, avec leur aide, le monde des mécréants. Ce qui interpelle surtout, c’est qu’une grande partie de ces jeunes recrus ainsi que leurs mentors sont ignorants quant aux principes même de la religion : l’Islam qu’ils prétendent défendre.
Un jeune à qui on donne le pouvoir ‘divin’ de décider des vies d’autrui ; qui sent qu’il a un rôle à jouer dans le changement du monde, développera un sens d’appartenance assez fort pour qu’il entreprenne ce qu’on considère comme monstrueux et qu’il considère comme mission noble.


Une ébauche de solution  

Dès lors qu’on commence à mieux comprendre les motivations de ces terroristes, on réalise que la solution purement sécuritaire qu’a adoptée la Tunisie pour combattre ces terroristes, ne viendra jamais à bout de ce fléau, qui est en train de miner le moral de sa population. Des voix s’élèvent déjà pour exhorter les autorités à revoir leur stratégie de lutte contre le terrorisme. Ce qui inquiète les Tunisiens et leur fait perdre le sommeil, c’est le manque évident de vision. Dans la situation actuelle de précarité sociale, économique, culturelle et surtout politique, notre pays a besoin d’une feuille de route claire et nette. Endiguer ce mal en s’attaquant à ses sources et en arrêtant de réagir à chaque attaque d’une manière improvisée, pourrait être un début de solution.

Une myriade de mesures est à préconiser, pour que la Tunisie ne soit plus à la merci de ses jeunes en quête de gloire ici-bas et dans l’au-delà. C’est sur quoi nous nous pencherons dans notre prochain article.



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