Seules trois personnes peuvent donner l’ordre de tirer ou de ne pas
tirer
Il y a de cela un an jour pour jour, entre le 7 et
9 janvier, un massacre a eu lieu à Théla et à Kasserine. La question quant aux
coupables reste pourtant encore sans réponse. Lors de la dernière audience du
procès des martyrs qui a eu lieu le 3 janvier 2011, plusieurs points de cette
affaire ont été éclaircis. Adel Tiouiri, l’un des inculpés, arrêté depuis le 8
avril 2011, directeur général de la police nationale, et dont le supérieur
direct n’est autre que Haj Kecem, a révélé qu’il n’y a que trois personnes qui
ont le droit de donner l’ordre de tirer ou pas, à savoir le Président de la
République (Ben Ali), le Premier ministre (Mohamed Ghannouchi) ou le ministre
de l’Intérieur (Rafik Bel Haj Kacem).
Ainsi, M.Tiouiri a mis à l’index les commanditaires
plausibles du massacre des martyrs, cependant les trois premiers accusés
plaident “non coupables”. Cette énigme devient toutefois de plus en plus
claire.
Seules les écoutes enregistrées et PVs de la salle
d’opération peuvent mener aux meurtriers
Le DG de la police nationale ainsi que son
subordonnée direct Lotfi Zouaoui, DG de la police publique ont montré, lors de
l’audience, la voie à suivre pour découvrir les coupables. En effet, M.Tiouiri
a fait savoir qu’il y a un disque dur central qui enregistre toutes les
conversations laissant comprendre par là qu’il serait donc aisé de l’examiner
pour découvrir la vérité. Quant à M.Zouaoui, il a révélé que ses subordonnés
(Tous les directeurs des districts et arrondissements) ne lui ont averti que
d’une personne tuée et ce à Ras Jebal (Bizerte), ce qui l’a poussé à remplacer
de suite le chef du poste de police.
Massacre à Théla et à Kasserine
Entre le 7 et 9 janvier, un massacre a eu lieu à
Théla et à Kasserine. Taoufik Bouderbala révélera dans une conférence de presse
tenue le 12 avril que Ben Ali voulait carrément bombarder Cité Ezzouhour
(Kasserine) ainsi que la ville de Sidi Bouzid si les émeutes ne se calmaient
pas. La source de cette information, qui semble encore craindre pour sa vie,
n’a pas été mentionnée mais selon les enquêtes de la Commission nationale
d’investigation sur les violations et les abus, les autopsies et photos ont
démontré que les forces de l’ordre, dont le DG des Unités d’Intervention était
Jalel Bou Driga, ont tiré à balles réelles, ce qui signifie que les homicides
étaient volontaires et prémédités d’autant plus que «l’emplacement de l’impact
des balles se situe en plein front, dans les yeux, un œil où les deux parfois,
la trachée artère, le cœur, et pour deux ou trois cas, ils ont été touchés dans
la colonne vertébrale.» Sur ordre de Adel Tiouiri, Jalel Bou Driga sera
remplacé le 9 janvier 2011 par Moncef Laajimi.
Troupe 11 de l’armée, point d’interrogation
Un autre fait très important au sujet de l’armée a
été divulgué lors de l’audience du 12 décembre 2011 (au tribunal militaire du
Kef): Adel Tiouiri a révélé que Rafik Haj Kacem aurait empêché le 7 janvier, le
déploiement de l’armée (Troupe 11) à Kasserine alors que ce dernier était «
informé de la détérioration de la situation. » Youssef Abdelaziz, chef des
forces de l’ordre à Théla, confirme une partie de cette version puisqu’il dit
qu’il a reçu une information le 8 janvier indiquant que l’unité de l’armée en
question a rebroussé chemin.
Ordres et contre-ordres de tirer contre les
manifestants
Suite à la situation sécuritaire désastreuse, le 9
janvier 2011, M.Zouaoui aurait, selon ses dires, envoyé des instructions
transmises par son responsable directe Adel Touiri, à tous les directeurs des
districts et arrondissements de la Tunisie.
Ces instructions comportent cinq ordres principaux
: Ne pas tirer, éviter les heurts, communiquer avec les citoyens, retirer
toutes les armes des agents et quitter les postes. La seule chose qui
prouverait son témoignage, outre la concordance de ses propos avec celle de
Wiem Jrad, Abdessattar Sellami et Makrem Akid, serait les comptes-rendus
d’audience. En outre, selon l’avocate Houeida Klaï Najar, un document qui était
à la salle d’opération centrale, portant le nom de « Maher 2» prouve sans
équivoque, que Tiouiri a donné l’ordre de ne pas tirer.
Bien avant le fameux discours du 13 janvier 2011 où
Ben Ali a ordonné l’arrêt des tirs (“Yezzi mel Cartouches”), ce document «
Maher2 », serait un contre-ordre de tirer et par conséquent une désobéissance à
celui qui aurait donné l’ordre de le faire, ce qui signifie que Adel Tiouiri a,
délibérément, désobéi et évité, par conséquent, un bain de sang, chose qui lui
aurait valu l’accusation -selon ses propres dires- de « haute trahison si Ben
Ali serait resté au pouvoir jusqu’à maintenant ». En contredisant cet ordre,
cela impliquerait qu’il serait émit d’en haut et non de ses directeurs
subordonnés sur terrain. Tiouiri serait-il alors en train de désigner Ben Ali
précisemment d’être celui qui a demandé qu’on contre les manifestants par des
tirs à balles réelles…?
Rappelons que la BAT était déjà déployée au
Ministère de l’intérieur pour protéger le bâtiment la veille de la chute de Ben
Ali qui a fini le 14 janvier par écarter Tiouiri-son deuxième homme fort après
Haj Kacem- de ses fonctions.
Le nombre de morts jusqu’à cette date était estimé
au nombre de 180. Ahmed Friaa, n’a fait que retransmettre aux unités la
circulaire écrite par le DG de la police nationale naguère “mis à côté”,
comportant l’ordre de ne pas tirer.
Où sont les procès d’audience de la salle des
opérations ?
Par ailleurs, dans une tentative d’éclaircissement,
Lotfi Zouaoui a voulu mettre mettre le doigt sur les PVs de la salle
d’opération, accusant indirectement Mohamed Arbi Krimi, directeur de
l’administration centrale d’en être le responsable. Le juge s’est opposé,
illico, à cela en exigeant de Zouaoui à respecter les autres accusés mais le
directeur de la police publique a persisté jusqu’à ce qu’il ait enfin la
possibilité de poser clairement sa question :
Qu’en est-il des comptes-rendus qui
prouveraient ses dires dont le responsable Mohamed Arbi Krimi, directeur de
l’administration centrale, devait les transmettre au ministre de l’intérieur
Rafik Haj Kacem ?
Cellule de suivi des évènements
M.Zouaoui a révélé aussi que depuis l’immolation de
Mohamed Bouazizi (17 décembre 2010), une cellule spéciale de suivi a été créée,
s’en suit après trois réunions principales, dans le cadre d’un comité commun,
qui ont eu lieu le 9, 11 et 12 janvier 2011. Ceux qui y étaient présents sont :
Mohamed Ghiriani (SG de l’RCD), Ridha Grira, Rachid Ammar, Ahmed Chebbir,
Lazhar Arbi, la garde nationale, la protection civile, Ali Mansour (DG de
l’inspection supérieure), Responsable des unités d’intervention, le directeur
de l’administration centrale des renseignements généraux et Ali Seriati
(directeur de la garde présidentielle).
L’objet de ces réunions ne concernait en aucun cas
l’arrêt des tirs mais plutôt les défaillances de la structure de l’RCD qui n’a
pas réussi à calmer la situation qui devenait incontrôlable, l’organisation
avec les responsables de l’RCD, ainsi que l’étude des points de positionnement
des militaires. Il y a eu aussi discussion avec Ali Seriati de la logistique
sécuritaire au sujet d’un manque de voiture (d’où le renfort avec des Ford 4*4)
et de la colère des Kasserinois qui ne voulaient plus voir des policiers, d’où
le changement d’uniformes par ceux de la garde nationale.
Pourquoi tant de retard… ?
En conclusion, on peut induire qu’il y a deux
principales possibilités :
1- Qu’il y a eu ordre de tirer contre la population
et ce de la part de Ben Ali, M.Ghannoiuchi ou Rafik Haj Kacem et que les hommes
sur terrain ont exécuté sans ou avec la connaissance de Adel Tiouiri lui-même
et son subordonné direct, à savoir Lotfi Zouaoui, directeur général de la
police publique.
2- Qu’il n’y a eu aucun ordre de tirer et que les
directeurs et chefs de police sur terrain ont pris l’initiative de leur propre
chef.
Dans le premier ou second cas, seules les
conversations téléphoniques, toutes enregistrées sans exception sur un disque
central, ainsi que les procès d’audience et le résultat de la balistique
peuvent nous rapprocher de la réalité des choses et de cet intervalle
particulièrement meurtrier qu’à connu les derniers jours du régime du Président
déchu Ben Ali.
Où se trouve ce disque dur centrale des écoutes ?
Qui est-ce qui a donné l’ordre de distribution des balles sur le territoire
tunisien dans toutes les unités de police ? Qu’en est-il de la balistique ?
Quel rôle avait vraiment le RCD et le service des renseignements militaires ?
Les prochaines audiences qui auront lieu le 9
janvier (au tribunal militaire du Kef) et le 10 janvier (au tribunal militaire
de Tunis) pourront peut-être faire avancer cette affaire.
Précisions
Wiem Jrad: Chef du
département des études et de la surveillance à l’administration générale de la
police publique.
Abdessattar Sellami:Direceur du district de la police
nationale de Nabeul
Makrem Akid: Chef
de la cellule de suivi (créée le 17 décembre 2010) à l’administration générale
de la police nationale
Taoufik Bouderbala: Président
de la Commission nationale d’investigation sur les violations et les abus
BAT: Brigade
anti-terrorisme-composée par les tigres noirs, unité d’élite de la police
nationale tunisienne spécialisée dans les opérations paramilitaires lors
d’évènements particulièrement graves
Liste des inculpés
Voici la liste des inculpés dans l’affaire des
martyrs et blessés (recensés entre le 17 décembre 2010 et 14 janvier 2011), qui
comporte 44 responsables, dont Ben Ali qui est encore en état de fuite depuis
le 14 janvier 2011.
Ceux qui ont été arrêtés sont au nombre de 11 personnes:
1-Adel Tiouiri
2-Lotfi Zouaoui
3-Jalel Bou Driga
4-Ali Seriati
5-RafiqGuesmi
6-Rached Ben Abid
7-Mohamed Abed
8-Mohamed Charfedine
9-Nacer Ben Amer
10- Abdel Basset Ben Mabrouk
11- Nacer El Ajmi
Les 33 accusés en état de liberté( dont certains
n’ont pas comparu devant le juge lors de la dernière audience (3janvier 2012)):
1-Ben Ali (en fuite)
2-Ahmed Friaa
3-Ali Mansour
4-Mohamed Krimi
5-Chedly Sehli
6-Ahmed Khlifi
7-Mohamed Abid Bou Ghdir
8-Mongi Zouari
9-Mourad Riahi
10-Abdel Karim Ben Ismaïl
11-Salah Téj
12-Ramzi Hajri
13-Habib Trabelsi
14-Nabil Jebali
15-Mohamed Mouradi
16-Abedl Hamid Gharbi
17-Tared Rouissi
18-Lotfi Khemiri
19-Oussema Chedly
20-Hichem Mejri
21-Mejdi Cheyed
22- Ghazi Thabet
23-Wissem Midouni
24-Habib Hamrouni
25-Ali Harak
26-Noureddine Hamrouni
27-Khemais Mathlouthi
28-Habib Ayadi
29-Ahmed Chihi
30-Lotfi Fatnassi
31-Slah Eddine Beji
32- Kais Bouraoui
33-Adel Hamdi




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