Dans son
dernier rapport(a) dédié au monde arabe qu’il vient de publier, le
WEF souligne que le chômage en Tunisie est parmi les plus élevés au monde et
que ce phénomène frappe particulièrement les jeunes. Avec un taux de chômage
des jeunes supérieur à 30%, la Tunisie se situe même dans le peloton de tête au
niveau mondial. En entraînant une forte chute de l’activité économique, les
fortes turbulences qui ont marqué le pays en 2011 ont amplifié ce phénomène.
Plus
remarquable, l’éducation ne constitue plus un passeport pour l’accès à
l’emploi. Le taux de chômage des jeunes ayant une formation supérieure s’est
même inscrit en hausse au cours des années deux-mille (voir graphique page 2).
En somme, plus on pousse ses études en Tunisie, moins on a de chances d’accéder
à un emploi. Il en résulte que le chômage est en bonne partie, due au fait que
les jeunes restent longtemps, plus longuement que dans les autres pays, en
position d’attente du « bon emploi » ; celui qui correspondrait
à leurs aspirations et à leurs qualifications supposées.
Toujours
selon le WEF, les facteurs qui sont à l’origine de cet important chômage des
jeunes sont la démographie, l’inadéquation de la formation, les rigidités
du marché du travail, le surpoids du secteur public et enfin, les disparités
salariales et autres avantages offerts par l’emploi public.
Les jeunes
actuellement sans emploi sont nés au cours des trois dernières décades c-à-d au
cours d’une période marquée par une croît démographique qui, malgré les mesures
visant à limiter la natalité mise en œuvre dès les années soixante, est resté relativement
soutenu. Le nombre moyen d'enfants qu'ont les femmes qui est actuellement de
2,0 était supérieur à 5 au début des années 1980. D’où une pression qui
s’exerce sur le marché du travail qui résulte de l’arrivée sur le marché du
travail de ces cohortes des années 1980-1990.
Ce phénomène
est aggravé par l’inadéquation de la formation reçue par ces jeunes avec les
besoins du marché. Alors que celui-ci est demandeur d’une main d’œuvre
« qualifiée » pour une industrie de sous-traitance et des activités
de services (tourisme) dont les exigences sont loin de correspondre aux
« diplômés » qu’éjecte annuellement en nombre toujours croissant, le
système éducatif.
Dans le Global
Competitiveness Report 2011-2012, le WEF classe la Tunisie 106ème mondial
sur 142 pays en matière d’efficacité du marché du travail et le pourcentage de
chefs d’entreprises qui considèrent que la législation du travail constitue une
entrave sérieuse à l’embauche y est fort élevé. A l’opposé, c’est seulement
dans les pays qui ont réussi à flexibiliser leur marché de l’emploi que le
chômage a reculé de manière significative.
Avec un
ratio salaires publics/PIB de l’ordre de 11,8% alors que la moyenne mondiale se
situe autour de 5,4% (9,8% pour la région MENA), l’emploi public en Tunisie qui
représente 22% de l’emploi total, apparaît parmi les plus élevés au monde. En
accaparant une part importante des ressources humaines qui, autrement seraient
allées dynamiser et renforcer le secteur privé et, en mettant l’accent en
matière de recrutement, sur le diplôme davantage que sur les compétences
réelles des postulants, le secteur public a introduit de graves distorsions tant
en matière de rémunérations que dans les choix éducatifs des jeunes.
Par
ailleurs, en plus de la sécurité à vie de l’emploi et des multiples avantages
sociaux consentis par la législation du travail qui régit le secteur public,
celui-ci offre des rémunérations supérieures de 36% à celles offertes par le
secteur privé. D’où une recherche effrénée de l’emploi public au détriment
d’emplois plus productifs dans le secteur privé.
Cette
analyse révèle en premier lieu qu’il est vain d’escompter une baisse significative
du chômage des jeunes à travers une relance de la croissance économique. Même
avec des taux élevés de croissance, les retombées sur le taux de chômage
seraient modestes en raison de la nature même des structures productives du
pays. En clair, c’est seulement à travers des réformes structurelles de fond
que la Tunisie peut espérer venir à bout du lancinant problème du chômage. Des
réformes qui viseraient à flexibiliser le marché du travail, à abaisser les
coûts de financement (réforme financière), à améliorer l’environnement des
affaires et à y introduire une dose substantielle de concurrence, à repenser de
fond en comble l’école et le système de formation supérieure, à revisiter
profondément les pratiques en matière de recrutement dans le secteur public
tout en cherchant à réduire sa taille, à privilégier les investissements
infrastructurels générateurs d’emplois pour les jeunes etc. Le tout dans un
cadre macroéconomique armé d’un système judiciaire indépendant et efficace et
empreint d’ordre de stabilité.
(a) World Economic Forum : Addressing the 100 Million
Youth Challenge
Perspectives on Youth Employment in the Arab World in 2012 – Juin 2012
Source : http://hachemialaya.blogspot.com/2012/07/le-taux-de-chomage-des-jeunes-en.html?spref=fb
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